Interview par Vibrations Clandestines

INTERVIEW DE BRNO DEL ZOU, PAR VIBRATION CLANDESTINE

Brno Del Zou, photographie 3D !

Photographies de Brno del Zou
Artiste©Brno Del Zou

Les portraits morcelés, les photosculptures, décomposer pour mieux recomposer, cela permet de voir toutes les facettes d’une personne, mais encore ?

J’utilise la fragmentation du corps pour mieux le recomposer en le stylisant à ma manière. Je revisite les corps et les visages, je les mets en volume pour former des installations où les jeux d’échelle sont multiples. De ces « photosculptures » se dégage un parti pris esthétique manifeste mais qui néanmoins ne cache pas cette part de chaos qui habite nos esprits. Ce jeu de déconstruction reconstruction est la symbolique d’un processus bien humain, qu’il soit d’ordre physique ou psychique. Ne dit-on pas parfois que nous nous sentons « cassés », « démontés », « dispersés » ou bien même « en morceaux » ? Je ne découpe pas les corps par je ne sais quel plaisir pervers, au contraire, j’ai le sentiment de réparer, de réunir, de redonner à chacun des corps, chacune des personnes photographiées, cette unité qui nous est chère.

Lorsque vous réalisez une photosculpture, comment décidez-vous de faire un zoom de telle partie ou au contraire un plan large ?

A la manière des premiers cubistes, un corps ou un visage peut être représenté de différents points de vue à la fois sur un même espace plan. Pour ma part, je rajoute une « épaisseur » par rapport à la toile des peintres. Mais le processus est le même, je suis aussi fidèle, peut-être même davantage, au sujet photographié en le représentant sous différents angles, différentes échelles, qu’en utilisant l’unique point de vue de la photographie classique. Je choisis un point de vue très rapproché pour mettre en valeur une partie qui me semble primordiale chez mon sujet, souvent l’œil qui nous regarde au plus profond de nous-même. Mais cet œil sera joint à une vue plus large du visage pour mieux le faire vibrer par contraste. Il n’y a pas de règle fixée à l’avance, chaque photosculpture, chaque « portrait morcelé » est composé selon ce que le sujet m’inspire.

 

LE VOLUME DES PHOTOGRAPHIES ENCHEVÊTRÉES DE BRNO DEL ZOU !
PROFONDEUR, RÉALISME…

 

Avec la chambre de Narcisse, vous avez une production captivante. Expliquez le fond, la forme à nos lecteurs…

La Chambre de Narcisse est une installation destinée à prendre place dans un lieu où il y aura un public, à l’occasion d’un événement culturel, d’un festival, d’une manifestation publique, etc. Avec cette installation, on retrouve la thématique du morcellement du corps,  de la personnalité. Mais cette fois, c’est à la personne elle-même – le visiteur du moment, le spectateur –  qu’il est proposé de réaliser des autoportraits fragmentés. Car la Chambre de Narcisse est un environnement de prises de vues avec miroirs amovibles, chacun se met en scène pour produire des images, à la fois décomposées et néanmoins construites. Les créations des visiteurs de la Chambre de Narcisse sont visibles en temps réels sur une mosaïque d’écrans, puis sur un site Web dédié.

 

 

Vous semblez très attaché aux corps et aux visages. Pourquoi ?

La relation que nous entretenons avec notre corps me fascine depuis longtemps. Des premiers traités de physiognomonie  (Johann Kaspar Lavater) à la morphopsychologie d’aujourd’hui en passant par « l’expression des passions » de Charles Brun, la « metoposcopia » de Girolamo Cardano  ou encore « l’hystérique » de Charcot. Esprit et corps sont-ils une même chose ? Quelle harmonie ou dysharmonie rencontre-t-on dans notre vie entre l’idée de nous-même et l’image de nous-même ? En écho à ces questions, l’autoportrait me semble une pratique d’une rare richesse. La Chambre de Narcisse cumule des milliers d’autoportraits, autant de témoignages de notre société actuelle. Mes photosculptures des corps ou des visages sont une contribution à cette réflexion.

Brno Del Zou, le mot de la fin…

L’ensemble de la création d’un artiste est sans doute son meilleur autoportrait